Besoin de certitude
Quand nous sommes dans l'incertitude et que nous devons prendre une décision, ce qui dans le cours d'une vie arrive quasi-quotidiennement il nous faut calculer, interpréter, sous-peser, évaluer, questionner, avoir plusieurs perspectives sur le problème afin de prendre une décision, si possible éclairée. Mais tout cela nous coûte des efforts intellectuels, du temps, des efforts sociaux (interroger des personnes), ressources que nous rechignons à mobiliser car elles vont contre notre apathie naturelle, a fortiori dans notre culture de la consommation à outrance. Cela explique que certaines personnes soient en demande d'une forme absolue de la vérité leur permettant enfin de savoir à quoi s'en tenir, sur quoi se reposer (car ils sont fatigués de chercher).
La croyance, ou un comportement suggérant la croyance inconsciente en une vérité absolue, transcendante, apporte des certitudes, de l'assurance, de la tranquillité et de la sécurité. Par conséquent celui pour qui la vérité est un absolu est incertain, c'est un inquiet qui ne trouve pas en lui les moyens de fonctionner avec une vérité relative. C'est une personne qui abhorre la prise de risque et l'aventure, qui a un comportement d'investisseur de "bon père de famille". Ce n'est pas quelqu'un qui valorise le sens commun, uniquement capable d'une vérité de circonstance, faillible et incomplète.
Il aurait dû croire en Dieu, cela lui aurait épargné bien des inquiétudes mais il reste trop attaché à son individualité, il a trop peu confiance en autrui et n'est pas prêt à aimer son prochain comme lui-même. Il n'a pas établi pour son propre compte de procédure d'établissement d'une vérité "de fonctionnement" et se méfie de tout ce qui n'a pas de fondement scientifique certain. Il n'a pas trouvé de critère d'établissement de la vérité qui le satisfasse et il prend énormément de temps avant de s'engager et de choisir. Comme toute décision est très difficile, une fois qu’elle est enfin prise, il ne reviendra pas dessus ce qui le rend particulièrement têtu et inapte au dialogue. D'ailleurs à quoi bon dialoguer puisque personne ne détient la vérité absolue ?
Vérité du sentiment
Ceux pour qui la vérité est transcendante, attendent que cette vérité descende sur eux pour les éclairer telle la lumière céleste. La vérité par conséquent ne se construit pas ici-bas, elle n'est pas la cohérence et encore moins la réalité, ce qui arrive dans le monde. Elle n'est pas non plus la logique qui est formelle et fonctionne sous des conditions de l'esprit. C’est pourquoi les absolutistes de la vérité sont souvent des mystiques non-religieux ou au minimum des sentimentaux : seule l'intensité de leur sentiment est le signe qu'ils approchent de la vérité, que la transe est proche, que la lumière va bientôt se faire et qu'ils vont enfin pouvoir sortir de leur caverne. Il ne faudrait pas les confondre avec les croyants qui détiennent la vérité et n'ont de cesse de vouloir la partager ou plus souvent l'imposer aux autres comme des missionnaires ou des évangélistes. Les absolutistes de la vérité sont toujours en quête, toujours insatisfaits, toujours à pinailler parce que les vérités qu'on leur présente ne sont pas assez vraies, pas toujours vraies, pas absolues, pas immuables ni éternelles.
Parfois la vérité descend sur eux du Ciel et ils sont touchés par la Grâce, ils voient. Le problème est qu'ils sont les seuls à voir et qu'ils ne peuvent pas communiquer cette vérité puisqu’elle n’est pas fondée en raison mais en sentiment. Mais ils sont heureux d'avoir pu recevoir un peu de lumière. La plupart du temps ils avancent en creux : le vrai est toujours ailleurs, quelque part, il n'est pas ce qu'on leur montre, ils ne savent pas où il est mais savent que ce n'est pas là. Pour eux la vérité ne se construit pas, ne se démontre pas ni ne se montre mais s'éprouve dans l'intimité du Sujet. Ils doivent malgré tout se satisfaire des vérités de ce bas monde sans quoi ils ne pourraient même pas fonctionner. Mais ces vérités leur semblent ternes, mornes voire mortes.
La vérité doit tomber d'un coup, elle doit se révéler soudainement à eux, comme une lumière divine. Il ne s'agit pas pour eux de s'élever vers les idées vraies par un travail de déliaison de l'âme d'avec le corps comme chez Platon, mais d'être passif et de la saisir par le biais d'une intuition fulgurante qu'ils ne pourront jamais démontrer.
Peut-être que l'écrivain est un paradigme représentatif de cette quête, lui qui écrit tout le temps et semble tourner autour d'une vérité qu'il ne parvient jamais à dire, jamais à formuler. La vérité se tient dans le pur silence quand l'expression ne peut se faire qu'avec du bruit, des mots, des sons.
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