"Dédain
Plongés dans un abîme de dédain pour leur petit être, ils sont fascinés par eux-mêmes. Plus ils se détestent, plus ils s’ignorent, plus encore leur âme se rabougrit et les rançonne durement.” (O. Brenifier)
Comment peut-on à la fois se dédaigner donc s'ignorer, se mépriser, être indifférent à soi-même et en même temps être fasciné par soi?
Passons par l'analogie avec le corps : quand on le méprise, quand on n'en prend pas soin, il trouve toujours un moyen de se rappeler à votre bon souvenir en provoquant souffrances, malaises, indispositions, impuissance.
Pour l'âme il en est de même : lorsqu'on la méprise, la dédaigne, elle finit par se retourner contre vous-même. S'occuper de son âme consisterait par exemple à lui donner des nourritures spirituelles, à pratiquer l'art, la pensée philosophique, la spiritualité religieuse ou pas....Celui qui ne s'en occupe pas, qui se dédaigne, s'ignore, qui se néglige, finit par avoir une mauvaise hygiène mentale et intellectuelle. Il n'a plus d'esprit critique, va toujours dans le sens du confort de sa pensée : soit qu'il impose ses idées à autrui soit qu'il adopte celles de ses maîtres à penser, il ne dialogue plus ni avec lui-même ni avec autrui. Il ne fait plus d'exercices mais se cantonne à des routines intellectuelles qui finissent par être aliénantes car elles “enkystent” sa pensée.
Si l'on garde l'analogie avec le corps, comment pourrait-on le négliger tout en étant fasciné par lui ?
On peut penser aux personnes qui fatiguent leur corps en faisant du sport extrême ou en prenant des drogues. Elles en font un instrument de jouissance ou de souffrance, ce qui revient un peu au même car elles ne l'entretiennent pas mais "tirent sur la corde", en font un outil, un objet aux ressources inépuisables. Elles oublient que le corps a des besoins pour bien fonctionner.
On peut dire que ces personnes sont fascinées par la puissance du corps mais ne s'en occupent pas, elles le négligent.
Pour la pensée il en est de même : ces personnes utilisent leur pensée pour confirmer leurs opinions préétablies, pour manipuler autrui, prendre le pouvoir ou bien pour se livrer à de vaines spéculations intellectuelles, pour construire des châteaux de sable, des raisonnements alambiqués dont la complication ridicule les fascine, elles se gargarisent de complexité et s'enivrent de leur bavardage futile, de leur verbiage fumeux et prétentieux.
Elles sont fascinées par ce qu'elles peuvent faire mais en même temps ne s'occupent pas de leur pensée, ne la mettent pas à l'exercice, ne la mettent pas à l'épreuve, ne la soumettent pas à leur propre jugement.
Pourtant si elles se détestent c'est bien que quelque chose ne va pas : elles ont l’intuition de n’être pas à la hauteur, d’être vaines et futiles, de s’agiter pour rien. Leur pensée leur sert à se détourner d’elles-mêmes alors qu’elles devraient au contraire se transformer grâce à elle, se sculpter.
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