La consultation collective pour faire un diagnostic des compétences transverses et attitudes à travailler
Je fais régulièrement des ateliers de pratique philosophique dans les entreprises. Il s'agit, en groupe et en quelques heures, de faire travailler les collaborateurs sur un sujet quelconque, comme un conte, une question collective ou une mini-conférence à l’issue de laquelle je pose des questions aux participants.
Ce travail implique de ma part un questionnement rigoureux et confrontant qui met chacun à l'épreuve de sa propre pensée (et ses problèmes puisque bien penser consiste à se débarrasser de tout ce qui entrave la pensée) et de ses attitudes face à lui-même et autrui. Chacun a ainsi l'occasion de travailler des compétences comme l'argumentation, la synthèse, la conceptualisation, le questionnement, l'objection, l'identification des présupposés...
Au cours de l'atelier je vois très rapidement divers profils apparaître :
les gens qui ont une attitude méfiante,
les bavards à la parole compulsive qui les dessert,
les émotifs qui s'emportent et deviennent rigides dès que surgissent les émotions (et quand on questionne, elles surgissent),
les compliqués qui n'arrivent pas à faire ni des questions ni des réponses simples et claires,
les narcissiques qui ne se soucient pas d'autrui et ont leur propre agenda,
ceux qui s'auto-sabordent par manque de confiance et privent le collectif de leurs commentaires ou questions,
les manipulateurs-politiciens qui veulent prendre le pouvoir sur le groupe par diverses techniques subtiles ou grossières,
les têtus et autres chipoteurs qui vous reprennent sur chaque mot,
les "mère Theresa" qui veulent aider tout un chacun, surtout ceux qui n'en ont pas besoin,
les timides qui attendent leur heure pour sortir du bois
....bref, les comportements humains dans leur banale variété.
Tout cela n'est guère positif me direz-vous et on pourra me faire le reproche : "Jérôme vous avez une bien piètre image des êtres humains". Je leur répondrais que ces profils ont aussi leur revers positif : le têtu ne prend pas un "non" pour ce qu'il est et ne se laisse pas démonter (bien pour vendre), le chipoteur ne laissera pas passer une erreur dans un dossier, etc...
L'important est d'observer ce qui se dit ici et maintenant et de contempler tous les beaux problèmes que posent les êtres humains, d'abord à eux-mêmes et ensuite à autrui, pour dialoguer, réfléchir ensemble, poser ou répondre à une question. Puis il s'agit de travailler ces problèmes.
C'est comme si vous faisiez venir un coach de gym pour faire un diagnostic des compétences physiques de chacun. A chacun il fera faire des exercices pour voir ceux qui ont besoin de travailler la souplesse des épaules, d'autres le tonus des cuisses, d'autres encore le gainage de la ceinture abdominale. Par nature il voit les problèmes par rapport à ce qui lui paraît être un corps sain, souple, tonique, endurant et résistant. Pour se fortifier et s'améliorer encore faut-il voir les axes d'amélioration et pour cela il est nécessaire de mettre l'individu à l'épreuve de lui-même dans un cadre différent.
C'est comme si vous pouviez arrêter une pièce de théâtre qui se joue et interrogiez le public et les acteurs eux-mêmes sur les enjeux de l'intrigue, la qualité du jeu des acteurs, les intentions des personnages...
C'est exactement cela que je fais avec la pratique philosophique. De plus j'utilise les interactions collectives pour voir comment chacun se relie à autrui : ainsi se reproduit devant mes yeux un microcosme social où se jouent les comportements habituels en entreprise (ceux qui nous font dire “je le(a) reconnais bien là") que je peux ainsi observer à la loupe et faire observer par autrui, en faisant des "arrêts sur image".
C'est un peu comme si vous pouviez arrêter une pièce de théâtre qui se joue devant vous et interrogez le public et les acteurs eux-mêmes sur les enjeux de l'intrigue, la qualité du jeu des acteurs, les intentions des personnages, la qualité des dialogues et la pertinence des répliques etc...Et c'est assez amusant à voir en général.
Une fois que le diagnostic est posé publiquement pour chacun et validé par chacun parfois après quelques discussions nécessaires, ceux qui en ont besoin et qui le souhaitent évidemment, poursuivent en individuel lors de "coaching philosophique" individuels au cours desquels nous travaillons spécifiquement les compétence que la session de groupe à permis d'identifier.
Tout le monde y gagne parce que le diagnostic initial est fait en une seule fois en groupe et validé par chaque personne y compris le manager : donc c’est rapide, transparent et efficace. Ceux qui ne veulent pas poursuivre auront eu une bonne expérience en collectif et auront eu des prises de consciences et reçu quelques trucs et méthodes, le manager, s'il s'agit d'une équipe constituée, aura vu la dynamique de groupe fonctionner à plein et les collaborateurs souhaitant faire un travail individuel peuvent le faire soit via l'entreprise soit à titre personnel selon les contextes.
Qui plus, est comme il s'agit de pratique philosophique chacun aura eu l'occasion de voir comment sa propre pensée se relie à celle de l'histoire de la philosophie et de prendre une certaine distance face à lui-même.
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