"La famille, quel alibi merveilleux ! Même le pire ou l’insensé se trouve sublimé. Ou justifié." (O.B.)
Qui n'a pas un jour refusé une invitation prétendant qu'il avait un "déjeuner de famille" ou qu'il devait s'occuper de ses enfants. Qui oserait remettre en question le souci légitime que chacun devrait avoir pour sa famille ?
Et pourtant n'est-ce pas là une excuse toute trouvée pour éviter de dire à l'autre : “non je n'en ai pas envie, je ne le désire pas, cela m'ennuie” ?
Pour ou contre leur famille certains vont jusqu'à devenir médecins alors qu'ils voulaient faire du commerce (ou l’inverse) ou être fleuristes, d’autres en viennent aux mains avec celuir qui a manqué de respect à cet “objet sacré”.
Pourquoi cette association fortuite initiée par les liens du sang et prolongée par la proximité, les affects et la tradition prend-elle tant de place dans le vie de certains au point qu'ils en viennent à justifier l'injustifiable ?
Quelles souffrances, renoncements n'a-t-on pas endurés au nom de la famille ! Quelle complaisance et lâcheté ne nous a-t-elle pas permis de masquer !
“N'aime pas ton prochain, aime ton lointain !” nous dirait Nietzsche et “méfie toi de ceux pour qui l'amour est un devoir car ils ne méritent pas toujours ton amour.”
On se prétend généreux car on donne, on s'occupe de sa famille : mais de quelle générosité parle-t-on si cela ne consiste qu’à se soucier d’un “moi étendu” ?
“N'aime pas ton prochain, aime ton lointain !” nous dirait Nietzsche et “méfie toi de ceux pour qui l'amour est un devoir car ils ne méritent pas toujours ton amour.”
Si quelqu'un vous répond, alors que vous lui proposez quelque chose de bon et d’utile pour lui, "je ne peux pas, je dois m'occuper de ma famille", il n'est pas de bon ton de lui demander "Pourquoi ce que je te propose est-il moins important que de t'occuper de ta famille ?" ce serait quasiment une insulte.
Ceux qui ne sont pas "très famille" sont tout de suite suspects d'égoïsme, de repli sur eux-mêmes, d'ingratitude. Que devons-nous à notre famille ? De l'affection ? De la reconnaissance ? du respect voire de l'adoration ? Rien ?
Je n'ai rien contre la famille en soi mais contre le fait de l'utiliser de manière systématique comme alibi pour ne pas prendre nos responsabilités vis-à-vis de nous-mêmes : c’est pour cela que l’on peut dire que la famille est bien pratique pour celui qui a peur d’exister, elle lui donne une excuse toute trouvée. Soucie-toi de toi avant de ta famille et tu te soucieras mieux de ta famille, tu ne l’instrumentaliseras pas au profit de ton propre intérêt.
La famille et l’éducation qu’elle nous aurait “imposée” sert à nous dédouaner de nos comportements actuels : “si je suis si rigide c’est parce que ma famille attendait de moi que je sois une élève modèle.” On ne peut nier que les attentes de nos familles ont pu jouer un rôle important dans la formation de notre caractère mais arrive un moment où il faut savoir s’en émanciper et le psychologisme ambiant tend à survaloriser l’importance de nos conditionnements familiaux, comme Freud survalorisait l’importance de la sexualité dans le développement de la psyché.
La famille ne nous oblige à rien. D'ailleurs quand nous voulons nous en échapper nous le faisons sans états d'âme en général, et plutôt de manière violente, la violence étant le dernier recours des faibles.
Invoquer la famille envers l'extérieur c'est s'assurer qu'on ne viendra pas trop nous poser de questions sur nos intentions, nos renoncements, nos petits arrangements avec nous-mêmes : c'est une porte de sortie honorable afin de ne pas perdre la face.
Alors la prochaine fois que vous utilisez votre famille comme alibi, n’oubliez pas que vous lui devez au moins cela.
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