L’être humain souffre. De ses limites, de sa finitude, de la distance entre son être et ses aspirations, de la fracture de son être, éclaté entre diverses aspirations ou pulsions, de la tension entre son individualité et son entourage. Pour compenser, pour traiter sa douleur à défaut de la guérir, nous nous inventons des consolations, diverses manières d’exister qui nous permettent de survivre existentiellement. Certes, on peut aussi nommer cela « projet de vie » ou « manière d’être ». Nous le nommons consolation. Et nous relisons divers auteurs dans cette perspective, afin de comprendre comment chacun de nous se console, chacun à sa façon.
Cendrillon est belle, gentille et jeune, elle est d’une famille aisée, mais Cendrillon est malheureuse. Comme beaucoup d’entre nous, elle ne se sent pas à sa place, elle n’est pas reconnue, elle doute d’elle-même, elle se croit minable et se sent impuissante. Le nom de Cendrillon provient de « cendre » et « souillon », ce dernier signifiant sale et d’un milieu social défavorisé. Depuis le début, on perçoit bien un décalage entre ce qu’elle est, comment elle est traitée et ce qu’elle pense d’elle-même.
Bien sûr, il y a toujours des circonstances pour justifier notre malheur. Dans son cas, une mère aimante qui est morte, un père indifférent, une belle-mère méchante et jalouse et deux demi-sœurs stupides. Cela suffit pour rendre son existence pénible et l’exclure de tout. Les circonstances de la vie sont si arbitraires et injustes ! Elle devient le bouc émissaire de toute la famille, maltraitée et humiliée. Comme elle est généreuse, elle fait bonne figure face aux autres, mais elle se sent mal dans sa peau et dans sa vie. Pourtant, malgré son sentiment d’abandon, elle garde l’espoir d’un avenir meilleur. Un désir puissant qui émerge à l’occasion du bal du château où un prince, qui ne le sait pas encore, semble l’attendre. Elle obtient l’assistance de sa marraine la fée, mais cette aide extérieure est fragile : elle se termine à minuit. La morale de l’histoire est plutôt simple. La vie est dure, on a des problèmes d’identité mais si l’on trouve quelqu'un pour nous aimer vraiment, on devient épanoui et heureux. Bien sûr, cette personne qui va nous aimer est un prince puisque, par définition, toute personne qui nous aime est la plus merveilleuse des personnes. Elle nous veut, nous seul et personne d’autre. C’est pourquoi la pantoufle ne va qu’au pied exceptionnel de Cendrillon. Ainsi, le jour où elle est reconnue, elle trouve une identité, elle obtient un statut, sa vie devient merveilleuse. Le seul problème avec cette consolation, c’est qu’elle dépend totalement du caprice d’une autre personne, que ce soit celui d’une belle-mère ou d’un prince. Amusons-nous à imaginer que la belle-mère est une ancienne Cendrillon qui a été trahie et abandonnée par son prince et qui devient donc aigrie, furieuse et revancharde. Cela ressemble à un retournement de situation plutôt classique.
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