"Qu’est-ce que le bonheur ? Le sentiment que le pouvoir croît, que la résistance est surmontée." (Nietzsche)
Le bonheur est donc un sentiment, par nature fugace. C'est le sentiment d'un effort, c'est la résultante d'une résistance et d'une force, c'est le sentiment que la résistance diminue et que la force augmente, que le pouvoir croît, que la puissance augmente.
Le bonheur est donc une avancée, un dynamisme, une expansion de notre puissance d'exister, le désir lui-même ou conatus comme disait Spinoza. Mais ce désir s'applique concrètement et même s'il trouve une résistance, celle-ci l'aide à se développer sans l'anéantir. Le bonheur c'est par exemple de constater que l'on maîtrise un morceau de musique nouvellement appris et que l'on a su en apprivoiser les difficultés techniques, c'est pour le sportif de sentir que son mouvement se fait de manière fluide et qu'il gagne en efficacité sans se fatiguer plus. Le bonheur est un petit ou grand succès sur soi-même et c'est la promesse d'un processus continu et vertueux qui résulte de notre propre puissance.
Le bonheur ce n'est pas de recevoir quelque chose qui nous tombe du ciel, cela c'est simplement un bonus, qui vient d'ailleurs en surcroît du bonheur. Le bonheur est avant tout lutte contre les forces intérieures qui nous poussent à l'abandon, au repli sur soi, au rabougrissement de l'être, à la mesquinerie. Le bonheur c'est être généreux quand tout nous pousse à l'économie et à la rétention, donner quand nous voudrions garder, avancer quand nous voudrions rester sur place ou au contraire rester sur place quand nous voudrions fuir.
Le bonheur c'est faire confiance quand tout nous pousse à la défiance. C'est pour cela que pour être heureux il faut savoir être ignorant : ignorer ces sentiments qui nous poussent à la violence, à la défense, à la fermeture. Etre heureux c'est nécessairement prendre un risque et obtenir une victoire sur soi-même. "A vaincre sans périls on triomphe sans gloire" comme le disait le Cid. C'est se lancer avec confiance dans l'inconnu et sentir que nous avançons malgré tout, que les choses cèdent à notre enthousiasme, notre opiniâtreté et notre confiance. Le bonheur est affaire de croyant.
Un philosophe heureux est d'abord un philosophe qui croit en le pouvoir de la raison de même qu'un artisan heureux croit en sa compétence pour informer la matière selon sa volonté ou un vendeur heureux croit en son pouvoir de persuasion contre les réticences de son client, un amoureux croit en la force de son amour pour se faire aimer lui-même. Le bonheur c'est à la fois simple, fugace et difficile.
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